Appréhender la sortie de crise: reconquérir et accepter les changements
APPREHENDER LE SORTIE
DE CRISE - BONNES FEUILLES - La fin d'une crise est un moment délicat. A
l'échelle d'une entreprise, il faut reconquérir la confiance des clients et
fournisseurs. A l'échelle collective, il faut accepter les changements induits.
La sortie de crise est un élément
très attendu de toutes les crises ou de toutes les difficultés quand on y est
confronté. C'est le fameux « quand ce sera fini… » que l'on a tous en
tête, même à titre personnel.
La sortie de crise résume cet instant
où les choses redeviennent normales, où le mode « crise » peut être
abandonné, où la cellule de crise n'a plus sa raison d'être, où le suivi
quotidien ne se justifie plus, où la tension a chuté, etc.
Temps de latence
C'est un moment très attendu, mais
pourtant il est toujours difficile de dire : « C'est terminé »,
car il y a plusieurs niveaux de la sortie de crise : la sortie des
fondamentaux de la crise comme la sortie d'un redressement judiciaire ou
d'une procédure de
conciliation , la résolution d'un problème
sanitaire ou réglementaire, la remise en état d'une ligne industrielle, l'obtention
d'une ligne de financement, l'entrée d'un nouvel actionnaire, etc. ;
la compréhension puis l'acceptation par l'environnement que la crise
est finie.
Et il peut y avoir un temps de
latence assez long entre ces deux niveaux. On peut avoir résolu ses problèmes
financiers, mais ne pas être suivi par ses banques, ni obtenir une réévaluation
de sa cotation chez les assureurs crédit, par exemple. On peut avoir résolu un
problème sanitaire ou de conformité, mais ne pas avoir retrouvé la confiance de
ses clients et donc ne pas avoir de commandes.
La sortie de crise est ce moment où
l'on sait que c'est fini, mais où l'on a peur de « crier victoire »
trop tôt. On hésite encore entre modération et humilité et de communiquer sur
le fait que la crise est derrière nous.
Retour progressif à la normale
Quand la crise est individuelle,
qu'elle ne concerne qu'une seule entreprise par exemple, c'est l'entourage , ce sont les
commentateurs qui acteront à un moment que l'on est sorti de la crise. Même si
« ça colle à la peau » pendant longtemps. Il y aura toujours ceux qui
prendront la crise comme un acquis immuable et une référence qualifiante
souvent par facilité, parfois parce que ce sont des détracteurs.
Même si, objectivement, tout prouve
que l'on n'est plus dans cette situation. C'est ce que le Vélib' a vécu :
un article sur deux parle du « fiasco du Vélib' » alors que ce
service est bien plus en avance que le précédent et avec des scores très
supérieurs, qui plus est dans un environnement concurrentiel alors qu'il ne
l'était pas avant.
Quand la crise est collective,
la sortie de crise doit être
jugée collectivement et objectivée dans son retour à la normale. On ne sort
jamais indemne d'une crise, il y a toujours un arrière-plan de culpabilité, une
perte de temps, une part de valeur détruite, le sentiment que cela aurait pu
être évité. Il n'est jamais évident de dire : « C'est fini. »
Car après la crise, il y a le retour
à la normale qui va s'étaler dans le temps, qui va prendre du temps : on
ne retrouve jamais la situation ex ante. Il y a toujours un
décalage, et c'est là où souvent on retrouve ce vieux réflexe selon lequel
« ça va revenir comme avant ». Cela fait aussi partie de l'énergie de
la résolution de la crise : trouver le chemin de la sortie et d'un retour
à la normale.
Le monde a changé
Sortir de la crise, c'est le but.
Mais quand cela arrive, on peine toujours à y croire. En fait, il faut avoir
conscience que, quand on sort d'une crise, ce n'est jamais comme avant, et ça
ne doit pas être comme avant, sinon les paramètres seront de nouveau réunis
pour qu'une nouvelle crise existe. Il faut sortir de ce paradigme que les
choses redeviendront comme avant, car précisément le monde n'est pas comme
avant.
Pour se transformer, il faut savoir
élargir son champ de conscience, ce qui veut bien dire que l'on va prendre conscience
que nous devons changer, que nous devons prendre en considération que le monde
a changé et n'est plus le même.
Qui, après la crise du Covid-19, pourra considérer qu'il ne prendra
pas en compte les eaux claires des canaux de Venise ? Qui ne prendra pas
en compte le ciel dégagé de ces mégalopoles industrielles en Chine ? Qui
se précipitera sur les objets de luxe ou même les
automobiles alors que pour la première fois depuis les années 1940, il a eu un
sentiment de panique par rapport à la rareté de biens de consommation
essentiels ?
La crise nous transforme, comme les
guerres ont marqué à vie des familles décimées. Aux Etats-Unis, les rues de la côte
californienne regorgent de homeless (de sans-abri) qui sont pour la plupart des
vétérans partis en opération, blessés physiquement mais surtout traumatisés
pour l'essentiel et non soignés car l'Etat fédéral ne reconnaît pas les
maladies mentales. Ceux qui considèrent qu'une crise, aussi dure soit-elle, a
été un avertissement, seront les grands gagnants car ils se remettront en
question et feront différemment à l'avenir car « ce qui ne me tue pas me
rend plus fort », disait Friedrich Nietzsche.
Arnaud
Marion est un dirigeant d'entreprise, spécialiste de la gestion de crise